Histoire

La France… peur de son Histoire ?

Saami Louardi, représentant national des Anciens Combattants, victimes de guerre l'armée d'Afrique, le 7RTA, les Harkis et leurs Familles, milite pour une reconnaissance dans l’Histoire, du drame vécu par les Harkis. © Véronique David

Drame de la communauté des Harkis

Saami Louardi, représentant national des Anciens Combattants, victimes de guerre, l’armée d’Afrique, le 7RTA, les Harkis et leurs Familles, a entamé une grève de la faim mi-mai à Agen, place Armand Fallières entre le palais de Justice et la Préfecture, pour une reconnaissance du drame vécu par les harkis depuis 1962, fin de la guerre d’Algérie.

Mars 1962. Les Accords d’Évian mettent fin à la guerre d’Algérie, entraînant le retrait des troupes françaises. Entre 40 et 60 000 Harkis (Français musulmans ayant combattu dans l’armée française durant la guerre d’Algérie) se réfugieront en France suite à cette décision, mais 150 000 d’entre eux seront désarmés et massacrés par le front de libération nationale. Ces meurtris et oubliés de l’histoire ont été cantonnés dans des camps dont celui de Bias qui a accueilli 1 300 Harkis entre 1963 et 1975.

Contribution au rayonnement de l’Histoire

Originaire d’Annaba (Algérie), Saami Louardi est arrivé en France au camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), un grand camp militaire situé près de Perpignan où il restera 3-4 ans avant de rejoindre le camp de Bias, possédant sa propre école et son magasin alimentaire. « Le vendredi, c’était la douche collective avec un jet d’eau et tous les jours et une extinction des feux à 22 heures, se souvient avec émotion Saami Louardi. La télévision et la radio nous étaient interdits. Nous vivions en reclus ». L’incompréhension demeure « car les harkis ont contribué au rayonnement de la France, ayant combattu durant les Première et Seconde Guerre mondiale » rappelle Saami Louardi. Le 7ᵉ régiment de tirailleurs algériens a reçu d’ailleurs la Légion d’honneur en 1919 (Première Guerre mondiale), la Croix de guerre 1914-1918 (avec six palmes et une étoile de vermeil), la Croix de guerre 1939-1945 (avec trois palmes), la Croix de guerre des théâtres d’opérations extérieures (avec trois palmes) ainsi qu’une Fourragère aux couleurs de la légion d’honneur mais « petit à petit, on a voulu effacer ce qu’ils ont fait » déplore Saami Louardi en faisant référence au blanchiment de l’Armée française.

Impossibles oublis

Saami Louardi revendique le statut de victimes de guerre pour les enfants de Harkis ayant vécu dans les camps. Cela concerne entre 15 000 et 20 000 enfants. Mais la cicatrice la plus profonde concerne son père, décédé en 1966. « Cinq ans après son décès, son corps a été exhumé avant une crémation à Toulouse, sans notre accord et sans pouvoir assister à la sépulture » déplore Saami Louardi. Ses cendres reposent au jardin des Souvenirs à Toulouse. « Je demande juste une plaque pour mon père ainsi qu’une reconnaissance mémorielle aux Invalides » ! Sa requête a été adressée à Emmanuel Macron et Élisabeth Borne ainsi qu’à Patricia Mirallès, Secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire, et est en attente d’une réponse… mais sa détermination reste sans faille : « S’il faut refaire une grève de la faim en septembre*, je la referai et n’hésiterai pas à mettre ma vie en péril, car je n’accepterai pas que l’on me dise : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » J’ai l’impression qu’en France, ils ont peur de leurs histoires… La communauté des harkis est une communauté déracinée, car nous avons laissé nos familles pour la France. Nous avons la plupart de nos familles à l’étranger et quand on voit que nos papas ont sacrifié leur vie pour le rayonnement de la France, nous demandons juste que l’on puisse se réunir pour les derniers moments de notre vie, car pour nous, la famille, c’est très important ! Parler de l’histoire est quelque chose qui pouvait émouvoir les politiques de l’époque, car Jacques Chirac avait fait la guerre d’Algérie. C’était un humaniste. Si on ne se reconnaît pas dans le passé, on vit très mal le présent et on a du mal à se projeter dans le futur. Le statut de victimes de guerre se traduirait par une retraite décente. Martine Aubry a reconnu que 87 % des enfants de Harkis étaient en détresse sociale. J’avais demandé une loi en 1997 qui encadrerait toute la problématique des Harkis. Nous nous sommes battus pour le drapeau bleu-blanc-rouge, mais aujourd’hui, nous n’avons que le rouge »… Jusqu’à quand ?

*Saami Louardi a suspendu sa grève de la faim durant la période estivale, mais il la reprendra s’il n’obtient pas gain de cause.

À savoir…

Les Harkis ont obtenu le statut d’anciens combattants en 1974. Jacques Chirac sera le premier président de la République à reconnaître le fait que la France n’ait pu empêcher les massacres perpétrés en 1962 en Algérie, à l’encontre des Harkis et de leurs familles : il décidera, lors d’une réunion du Haut conseil de la Mémoire du 6 février 2001, d’organiser, le 25 septembre 2001, une « Journée d’hommage national » aux Harkis pour cette reconnaissance officielle. Le décret du 31 mars 2003 institue une « Journée nationale d’hommage aux Harkis et aux autres membres des formations supplétives des armées françaises » fixée au 25 septembre, chaque année.

Le 20 septembre 2021, Emmanuel Macron reconnaît l’abandon des Harkis et leur accueil en métropole à la fin de la Guerre d’Algérie dans des conditions indignes. « Mercredi 23 février 2022, le Président de la République a promulgué la loi n° 2022-29 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français » a annoncé le Sénat.

 

Pour aller plus loin → https://harkis.gouv.fr/ et https://www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1990_num_1135_1_1518

Source : senat.fr → Harkis et autres personnes rapatriées d’Algérie – Sénat

 

Véronique David

Journaliste
Après un diplôme de psychologie et un DU de Japonais, j’ai préparé un diplôme de Naturopathie-homéopathie avec la faculté Libre de Médecine Naturelle et d’Ethnomédecine de Paris XV ainsi qu’une formation de correctrice avec le Centre d’Écriture et de Communication de Paris V qui m’a aussi formée aux techniques journalistiques. Dans le même temps, j’ai rédigé des articles pour différents journaux et administrations (Mairie d'Agen, Conseil départemental de Lot-et-Garonne, Actif Formation...). J’ai aussi travaillé au sein de divers organismes (Caf, Pôle Emploi, ODAC, MEDEF, ENAP…) dans le domaine du secrétariat et préparé une formation de praticienne en coaching de Vie. Dans un tout autre domaine, je suis officier de réserve citoyenne dans l’Armée de Terre depuis une dizaine d’années. J’ai appris au fil du temps que « toutes les batailles de la vie nous enseignent quelque chose, même celles que nous perdons » (Paulo Coelho). Rêvons en grand, soyons audacieux et bâtissons l’impossible !

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