Première édition du Salon des Maires, des collectivités et de l’Action Publique de Lot-et-Garonne
180 maires, 450 élus et 300 territoriaux ont assisté, le 13 octobre dernier, au premier « Salon des Maires des collectivités et de l’Action Publique de Lot-et-Garonne » organisé au Centre de Congrès par Agen Agora et l’Agence pour le compte de l’Association des maires du Lot-et-Garonne avec le soutien de la région Nouvelle-Aquitaine, de la préfecture de Lot-et-Garonne, du Conseil départemental de Lot-et-Garonne et du Centre de Gestion de la fonction publique territoriale de Lot-et-Garonne. 50 stands (et 200 exposants) tenus par des partenaires privés et institutionnalisés ont accueilli plus d’un millier de visiteurs (dont des citoyens lambda) venues échanger, s’informer sur des thématiques spécifiques, preuve qu’un vendredi 13 porte vraiment bonheur !
Nombreux sont les maires et élus des petites communes à ne pouvoir se rendre au congrès des maires de France. C’est la raison pour laquelle ce salon décliné au niveau départemental s’est donné pour mission de répondre au mieux aux enjeux et aux attentes des collectivités à travers des ateliers, des tables rondes, des conférences, des stands… Crises sanitaire, sociale, financière, sécuritaire… ont touché de plein fouet les élus. Maires et secrétaires de mairie se retrouvent ainsi souvent les premiers « à portée d’engueulade » de leurs administrés. Entre 2021 et 2022, les agressions physiques ou verbales des élus ont augmenté de 32%. Certains hésitent à se représenter en 2026 tandis que d’autres démissionnent en cours de mandat. Ce salon des maires ambitionnait de tisser des liens et du soutien entre les élus et les communes pour mener à bien les missions qui leur incombent et éradiquer cette crise de l’engagement délétère pour notre démocratie.
« Le Lot-et-Garonne représente 1/200ème de la France » a rappelé Jean Dionis, en préambule de la conférence d’Arnaud Benedetti, politologue, rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire et professeur à Sorbonne Université, intitulée : « L’élu local pour restaurer le lien démocratique ».
« Un maire est confronté au quotidien aux problèmes de ses administrés » constate Arnaud Benedetti et à « trois crises très structurantes » : démocratique, étatique et vocationnelle. Nous constatons un recul de la participation électorale. La crise des gilets Jaunes et la mobilisation sociale contre la réforme des retraites ont entraîné un sentiment de dépossession : les citoyens ne se sentent plus écoutés, et ce, depuis le référendum de 2005 portant sur le projet de constitution Européenne auquel ils avaient voté non à 54,68 %. Mais le traité de Lisbonne, trois ans plus tard, remplacera le traité constitutionnel et reprendra la majorité des changements émanant du traité constitutionnel, mais sous forme d’amendements, suscitant colère et incompréhension et instillant l’idée de l’inutilité du vote électoral. « Il y a une érosion lente, soutenu, forte de nos compatriotes, remarque Arnaud Benedetti, une forme de désaffiliation d’une partie du corps citoyen. L’État subit une crise de confiance liée à la fonction de protection (sécuritaire et économique) et de projection. L’État de France a toujours été un état stratège (capacité d’avoir un projet économique, social et politique) et cet état n’est plus capable de dessiner un chemin. La France est un pays éminemment politique. L’école politique, en France, a toujours été une école d’excellence » mais la politique, aujourd’hui, n’est plus attractive. « Le métier politique est un métier qui devient de plus en plus compliqué, car de plus en plus exposé, constate le politologue. Tout est indissociable du mouvement de la globalisation et de la mondialisation*. Ce qui construit la nation, en France, c’est l’État. Cette crise politique prend une tournure plus violence, parce que l’on ne croit plus en l’État.
Enrayer la crise du pouvoir
Trois éléments expliquent la crise du pouvoir, selon Arnaud Benedetti :
- l’État apparaît comme impuissant, invisible. Les décisions impactant la vie locale sont prises ailleurs, dans les supranationales ;
- le pouvoir semble de plus en plus lointain, voire oligarchique ;
- on ne voit plus ce que l’État est en train de fabriquer pour la société.
« La moitié des communes ont moins de 500 habitants, souligne le politologue. Les maires des petites villes sont en première ligne, subissant les incivilités et les discriminations. Ils possèdent une double casquette, représentant à la fois l’État et les administrés. Les maires des communes sont le dernier bastion de la démocratie participative ». Ils sont en première ligne, confrontés à un échelon de contraintes administratives, obligés de résoudre les difficultés du quotidien, de développer des aménagements…
« L’élu local, poursuit Arnaud Benedetti, c’est le dernier rempart de la démocratie qui continue à fonctionner. L’acte de vote reste un rite de socialisation républicain. Le maire jouit d’un capital de soutien très important. Il peut être considéré comme un stabilisateur démocratique. Le maire est celui qui va écumer les défaillances et les impuissances de l’État. Il est aussi victime de la remise en cause générale de toute autorité. L’échelon local est essentiel pour faire tenir la société démocratique ».
Une intercommunalité très contestée
La loi NOTRe a renforcé les intercommunalités, mais 80 % des maires de petites communes ont une perception négative de l’intercommunalité à cause d’une réduction des moyens affectés et portent un regard interrogateur sur cette intercommunalité, craignant une dépossession de leurs prérogatives, une chronophagie du travail, la perte de l’esprit communautaire, éprouvant aussi un sentiment d’irréversibilité de la suppression, à terme, de leur commune… « Il ne faut pas que l’intercommunalité crée un sentiment de distorsion, estime Arnaud Benedetti.
À côté de cela, le sentiment de dépossession des prérogatives des maires va entraîner un sentiment de dépossession de la part de leurs administrés… La décentralisation a changé la France. Elle l’a rendue illisible. Les territoires sont en concurrence les uns par rapport aux autres et s’efforcent de métaboliser la globalisation et la mondialisation. Il est plus facile de métaboliser dans le Rhône que dans les Hauts-de-France… Tout se passe comme s’il y avait plusieurs France côte à côte territorialement. À un moment donné, il faudra clarifier la décentralisation. Aujourd’hui, la France n’est plus maîtresse de sa dette à 50 %. Cela impacte les ressources locales… Je suis un fervent défenseur de la décentralisation, mais il va falloir qu’elle s’accompagne d’un processus de démocratisation ».
Deux points centraux
Pour Arnaud Benedetti, doit se poser la question de l’élection des présidents d’intercommunalité au suffrage universel direct. « Il faut que l’État redevienne un état aménageur et simplificateur. Il est essentiel que l’on conserve un maillage des communes dans notre pays », a-t-il déclaré.
« La bataille de proximité des maires se joue maintenant, annonce Jean Dionis. Le maire restera crédible s’il gagne cette bataille de proximité » en œuvrant, notamment, pour éradiquer l’épidémie de solitude, véritable fléau des temps modernes. Le président de l’Association des maires du Lot-et-Garonne invite à rester ouvert à des modifications du modèle français, rappelant que l’État s’avère minoritaire en Allemagne, mais la Région, surpuissante, prend en charge les domaines de l’éducation, de la justice, de la santé… Il existe aussi quatre fois moins de communes que chez nous. Jean Dionis s’accorde avec Arnaud Benedetti sur le suffrage universel direct. La baisse de la démographie fait partie des grands défis territoriaux à relever, selon le président de l’Association des maires du Lot-et-Garonne. Le département ne comptabilise aucune commune nouvelle en son sein. Jean Dionis estime que le maire doit pouvoir jouer un rôle de « bâtisseur et d’aménageur ».
Lors de l’inauguration officielle du salon des maires, Sophie Borderie, présidente du Conseil départemental de Lot-et-Garonne, s’est réjoui de cette déclinaison au niveau local : « L’indispensable soutien aux maires, le Conseil départemental en a fait une priorité » ! Daniel Barnier, préfet de Lot-et-Garonne, s’est dit « très étonné de ce succès. L’État s’y est associé avec la Police, la Gendarmerie, la Préfecture. Longue vie au salon des maires de Lot-et-Garonne » !
* Pour aller plus loin sur les notions de mondialisation et de globalisation → https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/notion-a-la-une/mondialisation-globalisation