Bruno Le Maire, ministre démissionnaire de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique et Thomas Cazenave, ministre chargé des Comptes publics, ont adressé conjointement une note aux membres de la commission des Finances de l’Assemblée nationale et au Sénat, alertant sur une hausse potentielle du déficit des comptes publics à 5,6 % du PIB en 2024, une note qui ne passe pas au sein des collectivités territoriales qui accusent le gouvernement de vouloir faire d’eux leurs boucs émissaires.
« Il y a un sérieux dérapage des finances publiques ». Il suffit parfois d’une petite phrase pour mettre le feu aux poudres, surtout lorsque, pour attiser les braises, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave imputent cette situation à une baisse des recettes fiscales et une hausse des dépenses des collectivités territoriales. Il faudra, selon eux, que le nouveau Premier ministre (toujours pas sorti du chapeau) réalise immédiatement 16 milliards d’euros d’économie budgétaire.
La réaction des collectivités territoriales de toute mouvance politique ne s’est pas fait attendre, estimant qu’elles n’ont aucune leçon à recevoir de la part d’un gouvernement responsable de cette plongée budgétaire.
Cette note n’a pas manqué de faire sortir de ses gonds Sophie Borderie, président du Conseil départemental de Lot-et-Garonne par le biais d’une tribune épicée adressée à Bruno Le Maire : « Monsieur le ministre démissionnaire, votre gouvernement doit 365 millions d’euros au Lot-et-Garonne ! Le gouvernement démissionnaire semble découvrir l’ampleur des dégâts qu’il a lui-même causés… Les accusations portées par son ministre de l’Économie et des finances à l’égard des collectivités territoriales est d’un cynisme absolu. Faire porter la responsabilité, même partielle, du déficit de la Nation à d’autres qu’au chef de l’État et à son exécutif n’est que mensonge. Cet écran de fumée vise à masquer l’incurie d’une politique nationale aux lourdes conséquences sur nos territoires. »
Une gestion départementale transparente
Très remontée contre ce qu’elle considère comme du « harcèlement institutionnel », Sophie Borderie assure que les Lot-et-Garonnais ont toujours été informés avec lisibilité de ce qui se passait au sein de leur département : « Nous sommes fiers de notre bilan et de notre gestion au service de nos concitoyens pour les protéger et améliorer leur quotidien. Nous avons toujours exposé les contraintes auxquelles nous devons faire face et expliqué nos choix. Et nous continuerons de le faire, alors que les finances de la Nation se dégradent de manière vertigineuse et que les collectivités en payent le prix fort ! »
Des contraintes budgétaires imposées par l’État
Sophie Borderie pointe du doigt le fait que le gouvernement est redevable au Département, plutôt que l’inverse : « En Lot-et-Garonne, les mesures imposées par le gouvernement, qui sait se montrer généreux avec l’argent des autres, ont coûté à notre collectivité plus de 10 millions d’euros depuis le 1ᵉʳ janvier 2024. Si on y ajoute les non-compensations des dépenses assurées pour le compte de ce même gouvernement au titre des solidarités nationales, la facture s’élève à 365 millions d’euros depuis 2017.
Cela, alors même que les Départements ne perçoivent plus d’impôt et que leurs recettes plongent littéralement avec la chute de la croissance (ventes immobilières, TVA…), et qu’ils ont l’obligation de voter des budgets à l’équilibre contrairement à l’État. D’ailleurs, aveu ou faille dans le tour de passe-passe, le ministre démissionnaire pointe aussi l’augmentation des dépenses d’investissement des collectivités. Ce sursaut d’honnêteté devrait plutôt le conduire à dire merci ! Merci à ces collectivités qui ont répondu à l’appel désespéré du gouvernement après l’annonce tonitruante du « quoiqu’il en coûte » pour assurer la relance de l’investissement public auquel elles participent à plus de 70 %. »
Reste à savoir si le gouvernement démissionnaire prendra acte des remontées des collectivités pour que la nouvelle gouvernance puisse emprunter un nouveau chemin de résilience, constructif, tout en restant dans l’écoute et dans l’humain…