Présentation et rencontre avec David Djaïz au théâtre Ducourneau, à l’occasion de la parution de son dernier essai intitulé « La Révolution obligée »
C’est à une révolution d’un genre nouveau que l’essayiste David Djaïz invite chacun d’entre nous à participer en nous livrant les modes d’emploi nécessaires à cette transformation écologique inéluctable, par le biais de « La Révolution obligée » ouvrage coécrit avec Xavier Desjardins (professeur en urbanisme et Aménagement de l’espace à Sorbonne Université) qu’il est venu présenter, le 26 février dernier, au théâtre Ducourneau, une révolution inévitable qui doit être menée sans provoquer la colère des peuples, des classes sociales et des agriculteurs.
David Djaïz a choisi sa ville de naissance pour animer sa première conférence en public : « J’ai tenu à faire cette première présentation du livre à Agen » a déclaré le jeune essayiste, en préambule de cette rencontre rare et précieuse avec les Agenais, dans l’écrin Ducourneau. Si la Ville Lumière lui a ouvert grand les bras pour lui permettre d’embrasser une carrière de haut fonctionnaire, le jeune homme reste fidèle à ses racines comme en témoigne, notamment, son engagement dans le festival « Les Rencontres philosophiques Michel Serres » organisé par l’association « Les Amis de Michel Serres » qu’il préside depuis sa création en juillet 2021.
Tous addicts aux énergies fossiles
« En 2022, 82 % de l’énergie primaire consommée dans le monde était d’origine fossile (charbon, gaz, pétrole) » a rappelé le jeune essayiste. Une expérience a été menée aux États-Unis où tout ce qui était fabriqué à base de pétrole était sorti des maisons. Le résultat fut saisissant car, sans que nous en ayons conscience, le pétrole s’est invité dans notre quotidien à travers les jouets, les chaussures, le textile, les bouteilles en plastique, le film alimentaire, les verres de lunette de soleil, les lecteurs DVD, les boîtiers de CD, les abat-jour… « Nous sommes drogués aux énergies fossiles et nous ne savons pas comment nous en passer, déplore David Djaïz. Sortir des énergies fossiles suppose de faire une révolution industrielle » qui se traduira par un changement de ressources énergétiques et une augmentation très forte de l’investissement. « 50 % de l’effort de l’investissement est capté par les chemins de fer, poursuit le jeune essayiste. Dans les trente prochaines années, l’équivalent du chemin de fer sera le logement, la « révolution bâtimentaire ».
Nous sommes drogués aux énergies fossiles. David Djaïz
« Nous consommons aujourd’hui plus de biomasse (bois, paille, noix de coco, arachide, canne à sucre…) qu’en 1 800. Depuis l’an 2000, il y a une explosion de la consommation de charbon qui sert à produire de l’électricité, tandis que le pétrole sert à la mobilité. Les centrales thermiques en Chine sont au charbon. Nous allons devoir changer de ressources énergétiques, nous désintoxiquer du charbon, du pétrole, du gaz. Il faut que toute l’innovation humaine soit tournée vers l’énergie… Nous avons trente ans pour sortir des énergies fossiles » annonce David Djaïz.
La révolution énergétique qui nous attend va réveiller beaucoup plus de conflits :
- un conflit entre les filières, car la biomasse sert à manger, mais n’existe pas en quantité illimitée. « Si l’aviation française utilisait toute la biomasse pour se décarboner, elle capterait toute l’énergie de la biomasse » alerte David ;
- une compétition entre les territoires ;
- une compétition entre les riches et les pauvres ;
- la lutte des classes entre les patrons et les ouvriers ;
- la compétition entre les générations ;
- la compétition entre les transitions (une action écologique peut nuire à une autre).
L’écologie au cœur des préoccupations de tous les continents
Il faut casser les préjugés d’une Chine « grande pollueuse » car celle-ci s’est engagée dans une forme de totalitarisme vert et sa force réside justement dans le fait d’avoir enrôlé l’écologie dans un modèle de société. On compte aujourd’hui en Chine 40 000 kilomètres de chemin de fer (contre 1 000 kilomètres en 2008 et 2 800 kilomètres aujourd’hui en France). Les chinois produisent 1/3 mondial de l’électricité décarbonée et détiennent 2/3 des capacités de production de panneaux photovoltaïques. C’est aussi le chinois BYD (Build Your Dreams) qui a vendu le plus de véhicules électriques fin 2023 et non Tesla. En 2022, les États-Unis ont lancé l’Inflation Reduction Act (IRA) un plan pour soutenir, notamment, la transition énergétique en vue de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. De son côté, l’Europe a lancé son « Green deal » ou « pacte vert » visant à réduire d’au moins 55 % les émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2030.
Les actions nécessaires pour réussir cette transformation énergétique
Il faut optimiser les comportements individuels et améliorer l’efficacité de l’offre, opérer une transformation technologique et sociale, organiser des états généraux de la transition, mais également sécuriser les prix sur plusieurs années. Il faut tendre vers une agriculture productrice et reproductrice. Les actions mises en œuvre dépendent aussi de la configuration de chaque territoire. Prenons l’exemple de la Mayenne : elle peut atteindre l’objectif du zéro artificialisation nette. Elle doit dépolluer ses friches et passer très vite à la voiture électrique, moyen de transport indispensable pour se déplacer dans ce département. Les Sables-d’Olonne sont très propices à la transformation des modes de transport.
« Créons un compte de transition pour la voiture, la maison, les pratiques alimentaires, propose David et disons aux personnes : vous avez 15 ans devant vous pour faire les transformations nécessaires, mais dans l’ordre de priorité qui est le vôtre. Il faut mettre de la souplesse, de l’intelligence et de l’humanité dans la transition. Si nous n’avons pas de méthode de transition, nous allons créer de l’éco-anxiété, des pensées apocalyptiques et une révolte sociale. Il faut garder cette ambition européenne pour ne pas se déclasser. Il faut de l’optimisme, car nous sommes condamnés à nous en sortir ». Cela passe aussi par éradiquer le fléau de l’éco-anxiété chez nos jeunes, leur apprendre à s’alimenter sainement, ce qui réduira les maladies cardiovasculaires et les maladies chroniques comme le diabète, tisser du lien social par le biais de cantines d’entreprises qui pourraient aussi accueillir des événements festifs, remettre en cœur de ville des zones piétonnes et des petits commerces… « Il faut être capable de construire ensemble un imaginaire, estime David Djaïz. Il faut une vraie maturité politique pour s’en sortir » !
Pour aller plus loin → « La Révolution obligée – Réussir la transformation écologique sans dépendre de la Chine et des États-Unis » de David Djaïz et Xavier Desjardins – Allary Editions – 21,90 €.