Retour sur l’inauguration du Pont de Camélat
Jamais deux sans trois. Après un quart de siècles de discussions, quatre années d’études et de recherche puis 22 mois de travaux, l’inauguration du Pont de Camélat s’est déroulée, le 4 mai dernier, en présence du Premier ministre Gabriel Attal (accompagné de Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l’Europe et de Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des Transports de France), de Daniel Barnier, préfet de Lot-et-Garonne, de Sophie Borderie, présidente du Conseil départemental de Lot-et-Garonne, de Jean Dionis, président de l’Agglomération d’Agen, de Christine Bonfanti-Dossat et Michel Masset, sénateurs de Lot-et-Garonne, des députés Michel Lauzzana, Annick Cousin et Hélène Laporte, ainsi que de nombreux autres élus départementaux. Une journée qui fera date dans l’agenda des grandes infrastructures territoriales. La page 2032 se feuillette déjà sur le livre de la LGV dont Camélat se pose déjà en catalyseur.
Les larmes du Ciel n’auront pas réussi à gâcher cette journée qui demeurera historique dans le coeur des Lot-et-Garonnais. Jusqu’au XIXe siècle, c’est en barque que l’on traversait Dame Garonne mais le 30 juillet 1808, Napoléon 1er ordonnera par décret la construction du Pont de Pierre de la ville d’Agen dont la première pierre sera posée en novembre 2012 et ouvert à la circulation le 22 mai 1827.
« Grâce à ce pont, Agen a grandi » a déclaré Gabriel Attal qui est parvenu à conjurer le sort, car le dernier premier ministre, Jacques Chaban-Delmas qui était venu inaugurer le nouveau pont de pierre le 1er juillet 1972 puis fut invité à démissionner par Georges Pompidou le 5 juillet 1972. Le Premier ministre qui avait rencontré en amont de l’inauguration la Coordination Rurale, la FDSEA 47 ainsi que les Jeunes Agriculteurs de Lot-et-Garonne à la Préfecture, se prêta de bonne grâce au jeu des selfies avec la population, se faisant ainsi pardonner son retard. La traditionnelle coupure de ruban, prévue initialement à 15h30, ne le fut que deux heures plus tard ! Qu’importe ! Ce n’est pas tous les jours qu’un Premier ministre foule le sol Agenais, se réjouissant de découvrir l’ouvrage, fruit de déterminismes sans faille de la part d’élus successifs : « C’est dans le passé que l’on puise à la fois nos racines mais c’est aussi le passé qui nous guide et nous apporte les autres enseignements dont on a besoin pour avancer et le premier enseignement de ce pont, c’est que le mot impossible ne fait pas partie du vocabulaire à Agen et dans sa région ». Gabriel Attal a rappelé, non sans malice, que lorsque « l’idée d’un contournement routier d’Agen a germé dans la tête des élus du territoire, c’était en 95. J’avais six ans » ! Lorsque Jean Castex s’est emparé du dossier grâce à l’entremise de Thibaut de Cacqueray, son conseiller, tout s’est accéléré puisque l’État a débloqué à lui seul 18 millions d’euros sur les 60 millions d’euros du coût total des travaux.
Un Etat présent partout
« Une dame avec laquelle j’ai parlé a une amie. Elles habitent chacune de leur côté, a confié Gabriel Attal. Avant, il leur fallait plus d’une demi-heure pour se voir et maintenant, cinq minutes ». Ce troisième pont reliera Colayrac-Saint-Cirq et le Passage d’Agen puis Brax via un barreau routier de 3 kilomètres qui complétera le contournement d’Agen et désengorgera la circulation en coeur de ville. « Ce projet, poursuit le Premier ministre, c’est du trafic routier facilité, du temps gagné dans les transports, le débouché naturel de la RN 21 sur la vallée de la Garonne qui va faire d’Agen, fermement, et plus encore, le carrefour entre Bordeaux et Toulouse, l’épicentre de la Moyenne Garonne. Les transports, c’est ce qui organise un territoire, c’est la clé de l’attractivité et de l’accessibilité ». Gabriel Attal estime que « l’État doit être partout », légitimant sa venue inaugurale : « Ma présence aujourd’hui et celle de Jean Castex à deux reprises à l’époque, sont les preuves qu’Agen est près des yeux et près du coeur ».
Bâtir des ponts entre nous… et le territoire
Sophie Borderie, présidente du Conseil départemental s’est réjouit que la naissance officielle de Camélat soit « le résultat d’une formidable dynamique territoriale et de la prouesse technique de centaines d’hommes et de femmes de tous les corps de métiers » et que ce pont soit « une pierre supplémentaire à l’édifice de notre plan de modernisation routière. Vous le savez, pour moi, il n’existe ni territoire, ni Lot-et-Garonnais de seconde zone. Le pont-barreau de Camélat répond à cette priorité de rééquilibrer le développement Nord/Sud et de désenclaver le Fumélois et le Villeneuvois qui ont pu parfois se sentir à l’écart des dynamiques qui existent dans d’autres territoires mieux desservis. Ce volontarisme au profit d’une grande liaison routière s’exprime concrètement par un soutien financier d’un montant global de 46,4 millions d’euros qui porte sur le pont-barreau de Camélat, bien sûr, mais également sur la réalisation de la liaison routière entre la D119 et la D656 passant à l’arrière de Walygator, ainsi que sur la réalisation du second échangeur autoroutier et la mise en service, en 2026, de l’aménagement de la section de la RN21 « La Croix Blanche – Monbalen ». Il restera à réaliser, pour parfaire ce maillage territorial, la déviation d’Artigues sur les communes de Pont-du-Casse et Foulayronnes, pour laquelle le Département a déjà provisionné plus de 10 millions d’euros. » Sophie Borderie a également annoncé la dotation de 228,5 millions d’euros jusqu’en 2030 pour le « Plan routes et déplacements du quotidien » comprenant « un volet ambitieux sur les mobilités douces. »
Agen, ville carrefour
S’il y a bien un élu pour lequel cette inauguration sera à marquer d’une pierre blanche, c’est bien Jean Dionis qui a cru en ce projet dès ses balbutiements et « cette journée du 4 mai restera une journée point de repère de l’histoire de notre petite patrie agenaise ». Le maire et président de l’Agglomération d’Agen a tenu à saluer les compagnons de route de la première heure du projet : Gérard Angotti, ancien président de l’Agglomération d’Agen, Paul Chollet, ancien maire d’Agen, Henri Tandonnet, ancien ancien président de la Communauté de communes du canton de Laplume-en-Bruilhois ainsi qu’Yves Massenet, directeur départemental de l’équipement qui plaida pour un passage par l’Ouest au lieu-dit Camélat pour la construction de ce pont. Mis en jachère entre 1998 et 2013, le projet prendra un nouvel essor le 1er janvier 2013 lorsque la Communauté d’agglomération d’Agen fusionnera avec la communauté de communes du canton de Laplume-en-Bruilhois et la commune de Pont-du-Casse. Ainsi naîtra l’Agglomération d’Agen qui deviendra maître d’ouvrage du futur pont, portée par l’ambition d’installer Agen « comme ville carrefour du sud-ouest de la France ». Il faudra attendre 2016 pour que le Conseil départemental de Lot-et-Garonne, présidé alors par Pierre Camani, décide d’accompagner l’Agglomération d’Agen dans ce projet fou mais ô combien structurant, à hauteur de 13 millions d’euros. Sophie Borderie verra aussi dans ce projet une formidable opportunité pour le territoire. Toutefois, le rendez-vous manqué avec le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, présidé par Alain Rousset « laisse une blessure longue à cicatriser » a regretté le président de l’Agglomération d’Agen. Mais l’État, représenté alors par le Premier ministre Jean Castex, bouclera le plan de financement avec un apport de 18 millions d’euros. « Le pont de Camélat a eu ses rêveurs, il a eu ses bâtisseurs, il aura ses utilisateurs, parce que ce pont, c’est d’abord pour vous, pour notre territoire ». C’est donc le 6 mai que le fringant trentenaire a officiellement débuté sa « carrière ».
Il oeuvrera pour les 100 000 Agenais et les 330 000 lot-et-garonnais : « Ce pont participera à rapprocher de manière décisive Agen et Villeneuve-sur-Lot, a annoncé Jean Dionis. Le lien entre nos deux villes est déjà fort, il le sera encore plus avec le pont de Camélat et avec l’ensemble des travaux faits sur la RN 21, la Croix-Blanche-Monbalen et Artigues-Camélat. Cette infrastructure est un outil, à nous de construire un avenir commun ! »
Ce pont est aussi pour les personnes travaillant dans la logistique et les transports en vue d’optimiser leurs déplacements, de réduire les émissions de gaz à effets de serre et de réduite les frais d’approche.
Le pont de Camélat, catalyseur de projets
La signature dans quelques semaines d’un protocole d’échange domanial permettra à l’État de s’approprier le pont et le barreau de Camélat tandis que l’Agglomération récupérera ses deux Berges de Garonne. Jean Dionis profite de ce moment inaugural pour annoncer la naissance dans quelques années du « petit frère » situé à proximité du pont de Camélat qui assurera la liaison entre la gare LGV de Brax-Roquefort et la gare du centre-ville d’Agen : « Un peu comme dans la chanson de Patrick Bruel, je vous dis rendez-vous dans 8 ans. Même lieu sur le pont de Camélat, même jour, même heure ! »
Des animations pour « habiller » cette journée
La fresque participative de la Street Arterie était de circonstance puisqu’elle représentait, entre autres personnages, une grenouille qui aurait fort bien pu patauger dans les multiples petites mares autour des stands gourmands : les plus valeureux n’ont pas hésité à investir des tables, munis d’une assiette d’un côté et d’un parapluie de l’autre. Pour faire valser les papilles, des salades gourmandes à base de gésier et de magret, des frites, des saucisses ou pour les amateurs de sucré des crêpes, des gaufres, des tartes, de la viennoiserie ainsi que des breuvages fruités ou alcoolisés (avec modération!). Le barnum installé à proximité des stands était censé accueillir les discours des élus, il aura finalement servi de lieu de réception des convives et de restauration en soirée pour la population. Une exposition de voitures anciennes de l’association « Du vieux volant au pot percé » nous a propulsés au temps des 2 CV, des coccinelles, des Golf, des Alpha Romeo… Sur le pont de Camélat, on y a dansé de 18 heures à 21 heures sur des rythmes afro latino avant d’assister au spectacle son et lumière qui clôtura en beauté cette journée qui scintillera encore longtemps dans le coeur des lot-et-garonnais.
Les non-véhiculés, grands oubliés de l’inauguration Les transports en commun ne suffisent pas toujours. Si les agenais pouvaient commander la veille de l’inauguration le bus numéro 6 pour se rendre au pied de Camélat, en repartir avant 19 heures devenait une affaire plus compliquée, au vu des bouleversements du programme. Plus de navettes pour les « sans voitures » dès 19 heures. « J’habite au Passage d’Agen et comme je n’ai pas de voitures, je n’ai pas pu assister au spectacle son et lumière » a déploré cet habitant, habitué des transports en commun. Tout avait été pensé, par contre, pour les automobilistes qui pouvaient venir déposer leurs voitures sur l’un des trois parkings et profiter des navettes mises gratuitement à leur disposition toutes les 10 minutes. Pourquoi ne pas avoir prévu ce même type de navette, jusqu’à la fin du spectacle, pour les personnes non-véhiculées parmi lesquelles de nombreux seniors, des personnes en situation de précarité qui n’ont pas tous eu la chance d’avoir des amis ou de la famille pour leur permettre de participer à cet événement exceptionnel ou de pouvoir utiliser un vélo, surtout à la nuit tombée ? Restées en bord de route, ces personnes n’auront pu assister à la coupure de ruban, aux discours des élus, danser sur le pont, profiter des animations gratuites, du marché gourmand, des expositions et surtout, du spectacle immersif son et lumière et c’est bien regrettable… |