Conférence de presse de rentrée préfectorale
Daniel Barnier, préfet de Lot-et-Garonne, a convié la presse lot-et-garonnaise pour échanger autour de l’activité des services de l’État et des sujets départementaux actuels. Il a présenté le bilan de l’année 2023 ainsi que les perspectives pour 2024. Ambiance studieuse et chaleureuse avec un feu de cheminée crépitant sereinement, rappelant que même si les flammes de la colère des agriculteurs ne sont pas éteintes, le préfet reste ouvert au dialogue et n’engendrera aucune poursuite. Ecoute, bienveillance et dialogue étaient au menu de ce petit-déjeuner aux saveurs d’espoir et d’avancées.
Cela fait désormais six mois que Daniel Barnier est installé en Lot-et-Garonne, ce qui lui a permis de dresser un état des lieux de ses nombreux atouts dont son agriculture qui occupe une place importante, rappelant que 33 800 exploitants lot-et-garonnais ont bénéficié, au 31 décembre 2023, des aides de la PAC. Le fonds d’urgence destiné aux viticulteurs lot-et-garonnais, d’un montant de 0,97 millions d’euros sera mis en place prochainement. 2024 marquera la mise en œuvre du plan de soutien à l’agriculture. « Les normes qui se traduisent au quotidien par une charge de travail considérable, la part très importante qu’ils doivent consacrer à la paperasserie, des revenus très faibles… La colère agricole, il faut la comprendre » estime le préfet qui vient d’un département agricole (Nièvre) axé sur l’élevage. Mais si les images spectaculaires de déchargements massifs lisier sur les façades, de pneus, de purin… devant la préfecture ont beaucoup marqué en France comme à l’étranger, « la ligne rouge n’a pas été franchie, assure le préfet. Ils ne se sont pas attaqués aux personnes et aux bâtiments publics avec des dégâts significatifs. La grille, par exemple, n’a pas été attaquée. Le portail fonctionne correctement ». Reste le sujet du nettoyage du lisier (à l’eau avec utilisation d’une nacelle) mais il n’y aura pas de plainte de la préfecture. « J’ai reçu, vendredi, un courrier du maire d’Agen qui demande à l’Etat de participer aux frais de nettoyage (400 000 euros de dégâts occasionnés). Je vais examiner sa demande. Il existe un pôle spécialisé au ministère de l’Intérieur qui suit ces dossiers d’indemnisations éventuelles. Il y aura une analyse technique de Paris et il faudra prouver le préjudice (par le biais de factures, notamment) ». Cette immense détresse qui s’est traduite par un déversement massif de produits va avoir un coût. « Aujourd’hui, il faut passer par la mise en œuvre de toutes les ressources gouvernementales. Les mouvements agricoles font partie de l’histoire et des caractéristiques de notre pays » a rappelé le représentant de l’Etat. Quant aux courriers reçus régulièrement par Serge Bousquet-Cassagne, président de la Chambre d’Agriculture, Daniel Barnier considère que « la bonne méthode de travail n’est pas forcément de s’écrire tous les jours. Il sera plus productif de se voir régulièrement ». Lors d’une rencontre avec la MSA, FranceAgriMer et d’autres structures … « J’ai convié la Chambre d’agriculture qui n’est pas venue, regrette le Préfet. C’était un moment de dialogue qui aurait pu être utile ». Le préfet estime « qu’il faut voir comment adopter les mesures nationales à l’échelle locale, comment aller vite et comment mieux travailler ensemble. Les prochaines semaines, il faudra continuer à travailler avec les organisations syndicales… L’ampleur de la crise a surpris tout le monde, même s’il y avait de fortes attentes. Nous avons fait un maximum pour traiter les demandes. L’Etat est à leur côté et regarde les situations individuelles. Je suis issu du monde agricole. Mes grands-parents étaient agriculteurs. Leur colère, je la comprends »…
Vers une mise en conformité du lac de Caussade
« Le lac de Caussade existe depuis cinq ans, a rappelé le préfet. Il est inscrit dans le paysage et il a montré son utilité lors des périodes de la sécheresse. C’est le lac, pour le moment, qui est illégal. Il faut aller vers une mise en conformité : la digue ne présente pas de risque à moyen terme mais il faut la sécuriser (il contient 900 m3 d’eau et la digue mesure une dizaine de mères de haut). Il faut lancer deux arrêtés sur la sécurité du barrage et son insertion dans l’environnement » (en réalimentant le Tolzac, notamment, Ndlr). Le gouvernement a donné son feu vert mais il faut laisser le maître d’ouvrage déposer le dossier. La mise en conformité sur le plan juridique est prévue pour 2025. Une dizaine de retenues colinaires ont été autorisées l’an passé. L’enjeu de l’accès à l’eau est intégré dans nos politiques locales. Avec la Coordination Rurale, le lien n’est pas rompu. Il faut cependant que le plus de mesures possibles soient effectuées d’ici le Salon de l’Agriculture ».
Georgelin : un dossier suivit de très près par l’Etat
« L’économie lot-et-garonnaise a très bien résisté à la crise » se réjouit le préfet, même si des secteurs comme l’hôtellerie-restauration et le BTP montrent des signes d’inquiétude. Concernant l’incontournable confiturier Virazeillais, « l’Etat et le ministère de l’Economie suivent de très près la situation de Lucien Georgelin qui est emblématique, assure Daniel Barnier. Georgelin se fournit beaucoup en produits locaux et sa disparition serait catastrophique pour les producteurs agricoles (et les 350 salariés). Les choses vont mieux. Georgelin confectionne de très bons produits et l’entreprise a très bien passé les fêtes de fin d’année. Il faut qu’un investisseur intègre l’entreprise ». Rappelons que le Tribunal de commerce d’Agen donne à Lucien Georgelin jusqu’au 19 mars pour améliorer sa situation financière.
Concernant les dispositifs mis en œuvre, « France Relance a été une réussite, s’est réjouit le préfet. 55 millions d’euros ont été directement injectés dans l’économie locale ».
« France 2030 » (plan d’investissement national de 54 milliards d’euros déployés sur cinq ans) ambitionne de bâtir la France de demain via l’innovation, l’industrialisation et la transition écologique. Dix entreprises lot-et-garonnaises, lauréates France 2030, se partagent 18 millions d’euros :
- Curia (Bon-Encontre) pour la construction d’une nouvelle ligne de production ;
- l’Agropole (Estillac) pour le projet Agrolab visant à répondre aux difficultés de recrutement et de maintien des compétences dans l’industrie agro-alimentaire ;
- Borie Industries (Pont-du-Casse) pour l’installation d’un thermo-frigo pompe pour réguler l’hygrométrie de l’air en entrant dans les séchoirs et les réchauffer ;
- Babcock-Wanson (Nérac) pour la fabrication d’un démonstrateur de chaudière à oxy-combustion, en vue de faciliter la captation de CO2 issu des fumées ;
- Goupil (Bourran) pour le développement d’un véhicule utilitaire électrique ;
- UPSA (Agen/ Le Passage d’Agen) pour la modernisation et l’augmentation des capacités de production en médicaments à base de paracétamol pour l’adulte et la pédiatrie ;
- IMA Bois (Marmande) pour accroître la capacité de production de murs à ossature bois et la mise en œuvre d’un grand projet dans l’industrie du bois qui sera mené dans les Coteaux et Landes de Gascogne ;
- Swiss Krono (Fargues-sur-Ourbise) pour la création d’une entreprise spécialisée dans la confection de panneaux et dalles OSB ;
- LISI Aerospace (Marmande) dans le cadre d’un appel à projet sur les avions bas carbone ;
- La sarl Dominique Ligneau (Gueyze) pour un appel à projet relatif à l’« exploitation forestière et sylviculture performantes et résilientes ».
« Nous n’avons pas assez de petites entreprises chez nos lauréats » regrette le préfet.
Deux projets ont bien fonctionné :
- le dispositif « Territoires d’Industrie» concernant les agglomérations agenaise et marmandaise, soutenant des projets en ingénierie, en animation du territoire ou en investissement ;
- le dispositif « 50 sites clés en main» : les trois agglomérations ont identifié des terrains sur lesquels les entreprises pourront s’installer, dans le cadre de la réindustrialisation du pays. Il faut du foncier accessible et labellisé.
Concernant le fonds verts (aide des collectivités territoriales et de leurs partenaires à accélérer la transition écologique) 134 dossiers lot-et-garonnais ont été déposés et l’état les a subventionnés à hauteur de 9,6 millions d’euros. Ce dispositif est reconduit en 2024.
35 communes lot-et-garonnaises** ont été labellisées « Villages d’Avenir » (moins de 3 500 habitants, non couvertes par « Action cœur de Ville » ou « Petites Villes de Demain). Il s’agit d’aider ces communes rurales à réaliser leurs projets de développement à travers un accompagnement en ingénierie.
Le Lot-et-Garonne compte aussi quatre communes lauréates (Villeneuve-de-Duras, Coulx, Poudenas et Saumon) dans le cadre du programme « Reconquête commerciale ». Il favorisera l’implantation de trois cafés multiservices au titre du commerce sédentaire et le projet de création de tournées de boulangerie multiservices, pour une enveloppe de 99 000 euros.
» France Travail » pour accompagner l’emploi
En 2023, le taux de chômage en Lot-et-Garonne s’élève à 7,2 % avec de fortes disparités géographiques : 6,2 % pour le bassin Agenais, 7,1 % pour le Marmandais et 8,6 % pour le Grand villeneuvois.
Exit Pôle Emploi. France Travail a vu le jour le 1er janvier dernier et vise à renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi avec l’obligation de 15 heures d’activités hebdomadaires pour les bénéficiaires du RSA * et les chefs d’entreprises dans leur processus de recrutement.
420 nouveaux logements HLM ont été financés sur le territoire et plu de 450 logements ont été rénovés avec le soutien de l’Agence Nationale de l’Habitat.
Une délinquance maitrisée
« Le 47 est assez peu criminogène, a déclaré le préfet. La délinquance est maîtrisée mais il y a une augmentation d’atteintes aux biens de 7,3 % par rapport à 2022 (1 609 victimes recensées en 2023 contre 1 320 en 2022). Nous revenons aux chiffres pré-covid. Nos préoccupations concernent les violences intrafamiliales qui ont augmenté de 2,2 % (1609 en 2023 en Lot-et-Garonne, contre 1574 en 2022) et nous déplorons 35 victimes supplémentaires qui ont toujours lieu au sein du foyer ».
Le Lot-et-Garonne est devenu département pilote au 1er janvier 2024 du » Pack Nouveau Départ » avec la Côté d’Or, les Bouches-du-Rhône, La Réunion, après le Val d’Oise déjà engagé dans le dispositif.
Le Pack Nouveau Départ permet aux victimes de violences conjugales d’engager une démarche de séparation pérenne d’avec leur conjoint, en accélérant les procédures et en levant les freins au départ et en sécurisant leur parcours de sortie des violences.
Les victimes de violences conjugales ayant déposé plainte peuvent aussi bénéficier d’une aide financière leur permettant de quitter rapidement leur foyer, de se mettre à l’abri et de faire face aux dépenses immédiates.
La mise en œuvre du dispositif passera par un acteur coordinateur (la CAF), un réseau de tiers-détecteurs (point de contact des victimes : police, gendarmerie, assistants sociaux, hôpitaux, associations…) et un réseau de référents dans les institutions concernées par les procédures à accélérer (CAF, France Travail, Préfecture, Conseil départemental…).
Notons également qu’actuellement, 33 téléphones graves dangers sont attribués dans le département pour les victimes de violences conjugales.
Une dizaine d’OQTF examinée en Lot-et-Garonne
La loi Immigration doit permettre d’éloigner rapidement des étrangers en situation irrégulières non désireux de s’intégrer. 57 OQTF (obligation de quitter le territoire) sur 244 ont été exécutées en 2023. « En Lot-et-Garonne, une dizaine de dossiers sont examinés » a déclaré le préfet, annonçant aussi la création d’un nouveau titre de séjour pluriannuel intitulé « Passeport talent ». Toutes les demandes d’asile sont gérées par Bordeaux.
Afin d’accroître la présence des forces de l’ordre sur le territoire, le Lot-et-Garonne se dote de trois nouvelles brigades de gendarmerie : une brigade fixe à Pont-du-Casse autour du 1er mai ; une brigade mobile à Clairac au cours du second semestre 2024 ainsi qu’une brigade mobile à Foulayronnes à une date, à ce jour, encore indéterminée.
Une insécurité routière grandissante
« Le bilan est mauvais »*** s’est alarmé le préfet qui a déploré 31 tués, à ce jour, sur les routes en 2023, dont la tranche d’âge la plus touchée concerne les 65 ans et plus. Les principales causes des accidents mortels concernent l’alcool, la vitesse excessive ou inadaptée (défaut de maîtrise du véhicule) ainsi que l’inattention. Quatre décès ont été recensés depuis le début de l’année (contre un seul l’an passé à la même époque).
37 actions de prévention ont été menées en 2023 au titre du Plan départemental de Sécurité Routière et seront renforcées en 2024.
En zone gendarmerie, 19 000 infractions routières ont été relevées en 2023 dont 55 % concernent la vitesse, l’alcool, les stupéfiants, l’utilisation de téléphones portables ou autres distracteurs. La mobilisation des forces de sécurité sera renforcée en 2024 pour assurer, notamment, des contrôles routiers et mettre l’accent sur l’usage du téléphone au volant. 232 suspensions de permis de conduire de 10 mois ou plus ont été effectives en 2023 contre 124 en 2022 dont le principal motif s’avère la consommation d’alcool.
*les modalités réelles restent, à ce jour, indéfinies.
**liste des communes : https://www.lot-et-garonne.gouv.fr/Publications/Salle-de-presse/Communiques-de-presse/2023/35-communes-du-Lot-et-Garonne-laureates-du-programme-Villages-d-avenir
***bilan provisoire, certaines enquêtes étant toujours en cours.