Lors d’un déplacement, le 26 janvier dernier, Montastruc-du-Salies (Haute-Garonne), en compagnie de Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, Gabriel Attal s’est rendu dans une exploitation bovine agricole, a rencontré Jérôme Bayle – éleveur de bovins et porte-parole du mouvement agricole, à l’origine du blocage de l’A64 – et a effectué plusieurs annonces visant à atténuer la grogne des agriculteurs. À Agen, plus de 500 agriculteurs se sont à nouveau mobilisés devant la préfecture en présence de Karine Duc et José Perez, coprésidents de la Coordination rurale de Lot-et-Garonne, mais également de Serge Bousquet Cassagne, président de la chambre d’Agriculture. Près de 400 tracteurs ont envahi la place Armand Fallières avant d’offrir à Daniel Barnier, préfet de Lot-et-Garonne, des « étrennes » tardives sous forme de pneus et de déchets avec la machine à purin comme bouquet final. Ce parfum de révolte a embaumé la place et les propositions énoncées par Gabriel Attal laissent les agriculteurs sur leur fin. La mobilisation est amenée à se poursuivre et se durcir, malgré l’obtention de quelques petites victoires.
L’Agriculture française est l’un des dossiers brûlant auquel Gabriel Attal a dû s’attaquer dans sa première grande mission ministérielle, un baptême du feu en quelque sorte et pas des moindres ! Depuis des années, les agriculteurs, les syndicats et l’Etat ping pongent.
« Aujourd’hui, c’est un jour de sursaut, estime le Premier ministre Gabriel Attal… C’est un nouveau chapitre qu’il faut ouvrir pour l’agriculture française et il démarre aujourd’hui. Et surtout, ce chapitre, on va l’écrire et le construire ensemble ». C’est par ces mots que Gabriel Attal a tenu à s’adresser aux agriculteurs en amont de la présentation d’une série de mesures destinées à apaiser la colère de ceux qui nous nourrissent. Les paysans se battent pour préserver leur indépendance agricole ainsi que leur souveraineté alimentaire et énergétique. Le chef du gouvernement émet le souhait qu’à la fin de ce mouvement, ne soit plus accepté dans le débat public les personnes qui dénigrent les agriculteurs et de faire confiance aux agriculteurs pour exercer au mieux leur métier : « Je veux déverrouiller, libérer, simplifier et laisser nos agriculteurs respirer. En fait, ce que l’on va faire ensemble, c’est produire et protéger ». Pour Gabriel Attal « ne pas laisser notre agriculture à la merci de la concurrence déloyale est un enjeu absolument majeur ».
Dix mesures de simplification immédiate
Normes, Europe, fiscalité… nos agriculteurs croulent sous les contraintes générant des horaires de travail indécents couplés à de faibles rémunérations.
Gabriel Attal constate que les agriculteurs ont le sentiment de faire face à « un État qui contrôle plus qu’il n’accompagne », qu’ils sont noyés par de l’administratif chronophage. Le premier ministre souhaite simplifier « drastiquement » les procédures et les normes, annonçant par là-même le lancement d’un mois de la simplification à l’occasion du Salon International de l’Agriculture qui se déroulera du 24 février au 3 mars à Paris Expo Porte de Versailles.
Chaque département devra travailler en collaboration avec le préfet sur la problématique de raréfaction de l’eau. Le délai de dépôt de recours contre un projet agricole (bassine, retenue collinaire…) passe dès aujourd’hui de quatre à deux mois. Gabriel Attal souhaite accélérer les procédures en cas de recours : « Il faut supprimer un échelon de juridiction pour arrêter les allers-retours devant le juge ». Le Premier ministre annonce aussi la création d’une présomption d’urgence « pour que le juge se prononce en moins de dix mois sur les recours ». Gabriel Attal souhaite également une simplification drastique de tout ce qui relève des curages avec une réduction à deux mois d’attente (au lieu de neuf) pour passer de la déclaration à l’autorisation. Un décret paraîtra cette semaine. Pour Gabriel Attal, le préfet doit devenir l’ « interlocuteur privilégié » des agriculteurs : dans cette optique, l’OFB (Office Français de la biodiversité) sera sous la tutelle du préfet. Le Premier ministre souhaite l’organisation de réunions entre le gouvernement, l’OFB ainsi que les représentants des syndicats d’agriculteurs en vue de prendre des mesures de « bon sens » afin de « faire baisser la pression » (3 000 contrôles ont été effectués en 2023, Ndlr) : « Est-ce qu’il faut vraiment venir armer lorsque l’on vient contrôler une haie ? » s’est interrogé le chef du gouvernement désireux que des décisions soient prises sur le sujet, en amont du salon de l’agriculture. Le préfet coordonnera aussi un plan de contrôle administratif unique annuel pour les exploitants. Concernant les haies, Gabriel Attal s’engage aussi à passer de 14 à une seule réglementation. Il faut aussi « sortir de l’obligation légale de débroussaillement » et d’incohérences : on ne peut pas obliger un débroussaillement pour éviter un incendie et l’interdire pour des raisons autres. Le Premier ministre prend aussi la décision de « faire une pause » sur le sujet des zones humides et des tourbières « pour discuter du zonage et des principes de non-transposition ».
Préserver notre souveraineté agricole
Un travail sera mené au niveau local et national afin d’identifier toutes les autres mesures de simplification possibles qui rentreront dans le projet de loi qui sera proposé par le gouvernement.
Le chef du gouvernement souhaite également « faire respecter partout EGAlim* et sans exception » par le biais de trois actions concrètes : renforcer les contrôles, mettre la pression sur les négociations commerciales et prononcer des sanctions très lourdes contre les entreprises qui ne respecteraient pas la loi EGAlim. Gabriel Attal annonce aussi une accélération du versement des aides d’urgences qui sont dues aux agriculteurs sur la MHE qui frappe les élevages. Le guichet pour la prise en charge des frais de vétérinaires sera ouvert d’ici au 5 février (avec un rehaussement via un budget de 50 millions d’euros à 90 % d’indemnisation des frais vétérinaires) avec poursuite des efforts maximums pour trouver un vaccin dans les plus brefs délais. Le chef du gouvernement annonce aussi le doublage des fonds d’urgence pour la Bretagne. Il a demandé à Marc Fesneau l’élaboration d’un plan spécifique relatif à la crise viticole (mesures de trésorerie et liées à la surproduction) : « Je ne laisserai pas des viticulteurs être étranglés par des taux d’intérêts qu’ils ont à payer cette année alors même qu’ils sont dans une situation très difficile ». Gabriel Attal annonce aussi une accélération sur le versement des aides PAC et une remise de 50 millions d’euros sur l’aide d’urgence à la filière bio, en grande difficulté. Le Premier ministre assure que « même si l’Europe est notre meilleure protection, on doit rester ferme pour ne rien céder sur la préservation de notre agriculture à la française ».
Oui MAIS…
Après les mesures annoncées par le Premier ministre, les réactions des agriculteurs sont partagées : Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination Rurale de France, déclarait, vendredi dernier au micro de BFM TV, que « la colère sur le terrain n’est pas calmée » déplorant une absence d’amélioration concernant le gasoil non routier et aurait aimé « une détaxation totale du carburant » soit du GNR à prix coûtant et d’un report en fin de prêt des échéances à imposer aux banques. Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, a déclaré sur TF1 que « les preuves d’amour ne sont pas suffisantes » à l’égard des agriculteurs et appelle à la poursuite des mobilisations, comme Arnaud Gaillot, président des Jeunes Agriculteurs, déplorant, sur BFM TV, une carence dans les mesures liée à l’aide à l’installation et à la souveraineté alimentaire. Sur RTL, Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, constate que certaines mesures sont « des choses qui étaient déjà dans les tuyaux ». Jérôme Bayle, figure du mouvement agricole, s’est montré satisfait et a annoncé la levée du blocage de l’A64 le 27 janvier à midi. « Je pense qu’on a gagné » a déclaré l’éleveur de bovins sur BFM TV. Pour l’heure, la mobilisation se poursuit et s’endurcit comme en Lot-et-Garonne où les agriculteurs prônent, notamment, la « détaxation des produits phytosanitaires » comme expliqué au micro de BFM TV.
*https://agriculture.gouv.fr/tout-comprendre-de-la-loi-egalim-2
Mobilisation du monde agricole. Réaction de Sophie Borderie, présidente du conseil départemental de Lot-et-GaronneLe Lot-et-Garonne, « jardin de la France » où fleurit la révolte…« Le feu couvait, et l’incendie gagne du terrain. Faute d’avoir obtenu de l’Etat les réponses à leurs questions et à leurs propositions, les agriculteurs de Lot-et-Garonne ont décidé de quitter leur ferme pour crier leur colère dans la rue depuis lundi. L’exaspération apparaît à son comble, le monde agricole est à bout. Le message est direct, il exprime à la fois une défiance, et une exaspération légitime. Les agriculteurs expriment ainsi avec leurs propres méthodes de revendications le malaise profond qui est le leur. La plaie est béante au sein du monde agricole, et ne peut se refermer qu’avec des solutions pérennes, durables pour le métier d’agriculteur. L’agriculture tient un rôle majeur en Lot-et-Garonne, elle a généré 872 M€ de chiffre d’affaires en 2021. Chaque jour, plus de 5 000 chefs d’exploitation et leurs salariés travaillent la terre pour nous nourrir. Couramment qualifié de « Jardin de la France », notre département est riche de plus de 70 filières différentes, leader pour la production de kiwis, de fraises, de tomates et de semences. La réputation de l’agriculture de Lot-et-Garonne n’est plus à faire, le Conseil départemental en fait chaque année une vitrine de son savoir-faire lors du Salon International de l’Agriculture de Paris, comme ce sera encore le cas le mois prochain. La colère qui s’exprime pose la question du rôle des collectivités locales dans l’aide et le soutien au monde agricole. Comme l’affirme très justement l’Assemblée des Départements de France par la voix de son président François Sauvadet, « l’agriculteur français peine à entrevoir des solutions durables à l’ébranlement de son modèle économique ». Pourtant, il existe des moyens. Nous les expérimentons de longue date en Lot-et-Garonne en adaptant en permanence nos régimes d’aide pour coller au plus près des réalités du terrain, en dépit des contraintes imposées par la loi NOTRe. L’agriculture doit certes s’adapter mais les agriculteurs doivent être assurés d’être accompagnés. Pour autant, les perspectives que le pays tout entier doit à celles et ceux qui nous nourrissent ne peut se régler durablement, dans une économie devenue mondiale, qu’au plan national et européen. Non, les productions agricoles ne sont pas des produits comme les autres. Faisons réellement de l’agriculture une exception, qui ne soit pas contrainte de s’aligner sur un marché concurrentiel où le moins cher l’emporte toujours. Je le réaffirme ici solennellement, le Conseil départemental entend rester aux côtés des exploitants agricoles de Lot-et-Garonne, à leur écoute pour leur permettre de conserver leur rang, et de récolter les fruits de leurs efforts au quotidien. » |